Cher Président, chères amies et amis, merci de m’accueillir avec Jean-Paul même si nous nous sommes un peu invités !
Permettez-moi de rappeler ce qu’est un Gouverneur et pourquoi il vous rend visite. Ce n’est pas "le chef", pas un donneur d’ordres. C’est un rotarien ou une rotarienne désigné pour servir à temps plein pendant un an, en fait deux et même trois si l’on compte le temps de préparation, qui se met à la disposition des clubs, avec son équipe de district, pour les aider à AGIR. Il a une autre mission : représenter le Président du Rotary International dans le district, en lui faisant connaître la façon dont les clubs mettent en oeuvre les objectifs rotariens et en relayant ses messages. Informer, suggérer, former, administrer, arbitrer, concerter, motiver, impulser... c’est ce que fait un Gouverneur, mais en ayant constamment à l’esprit que les membres du Rotary International, ce sont directement les clubs, autonomes et indépendants dans leurs choix. Le Rotary, c’est vous qui le constituez, et ce n’est pas anodin dans la façon dont le Rotary peut et doit évoluer. L’avenir du Rotary, bien plus que tous ses dirigeants, à quelque niveau que ce soit, c'est vous qui le construirez, qui le définirez. Ou pas, si vous décidez que cet avenir ne vous intéresse pas.
Voilà une réflexion un peu provocatrice, certes. Mais c’est aussi le rôle du Gouverneur en visitant les clubs : prendre le pouls de notre organisation et dire comment elle se porte dans son district. Et bien, notre organisation pourrait se porter mieux en Normandie. Nous avons en dix ans perdu près de 500 membres sans compenser par nos recrutements, car nous ne savons pas toujours retenir les entrants. Certains parmi nous ne font pas assez confiance aux initiatives et aux nouvelles façons de vivre le Rotary. D’autres perdent de vue le fait qu’ils font partie non seulement d’un club d’amis, mais du Rotary International, ce qui signifie un engagement et une appartenance à sa philosophie et à ses valeurs.
Le Rotary de demain ne sera pas celui d’aujourd’hui, celui d’aujourd’hui n'est plus celui d’hier. Beaucoup éprouvent à juste titre la fierté d’appartenir à un grand mouvement international. Mais cette fierté nous oblige. Aucun président n’est propriétaire de son club, aucun gouverneur de son district, aucun de nous n'est propriétaire du Rotary tel qu’il l’a vécu et ne peut l'imposer aux autres. Aucun de nous n'est détenteur d’une vérité rotarienne immuable. Nous avons le devoir de transmettre notre histoire et nos valeurs, pas de conserver nos certitudes ou nos rites dans la naphtaline. Le Rotary d’aujourd’hui doit mettre en place les conditions de vie de celui de demain. Pour le construire, nous devons penser et nous exprimer positivement et garder à l’esprit que la vérité rotarienne ne se construit jamais dans la seule tête d’un rotarien, ni dans toutes celles rassemblées d’un club ou d’un district. Elle se construit internationalement.
Nous sommes en danger. Beaucoup trop de clubs normands ont une moyenne d’âge de plus de 70 ans. Un autre prise de conscience est en cours : les plus jeunes membres, engagés dans la vie professionnelle, doivent comprendre qu’il faut mettre en place des modes de fonctionnement leur permettant de concilier l’appartenance au Rotary International et la vie active, la vie professionnelle, la vie de loisirs, la vie familiale car les priorités d’aujourd’hui ne sont plus les priorités d’hier. Nous ne devons pas avoir de jugement de valeur sur cette état de fait, nous devons simplement en prendre acte et nous adapter. C’est la condition de la survie du Rotary. Tous les outils existent, il faut simplement en prendre connaissance, les appliquer dans son club, ou inventer celui qui conviendra : flexibilité, allègement dans certains clubs du mille-feuille d’actions empilé depuis des décennies, utilisation des nouveaux outils de gestion comme RODI, établissement de priorités, partage des responsabilités, création de clubs satellites ou création de nouveaux clubs y compris, soyons fous, à côté du sien.
Il faut aussi pacifier nos relations intergénérationnelles. Notre plus grand danger au Rotary c’est notre ego. Collectif ou individuel. La fierté d’être rotarien n’a rien à voir avec l’ego. La fierté partage, construit, avance, donne envie. L’ego freine, interdit, juge, et à terme, détruit.
Nos relations s’appuient sur le plan de leadership indispensable à la bonne marche du club comme du district, à la réflexion et à l’irruption d’idées, sans appropriation vaniteuse des meilleures d’entre elles par l’un ou l’autre.
Anticiper, réfléchir en commun, évaluer ensemble l’état réel du club, de ses effectifs, de l’appartenance des membres, de l’opportunité des actions conduites, de l’adéquation du club à son environnement, tout est fondamental. Il n’y a pas de formule magique pour cela. Chaque club est unique, vous êtes unique. Mais vous êtes unique à plusieurs. Vous définissez ensemble, par le choix de vos responsables, des axes de vos actions, de votre implantation dans la communauté qui vous entoure, l’identité de votre club, qui sera forcément différente de celle du club voisin.
La magie du Rotary International c’est cela : nous avons un cadre de fonctionnement qui garantit notre crédibilité et notre intégrité. Mais à l’intérieur de ce cadre, toute liberté nous est désormais donnée pour vivre le Rotary que nous voulons vivre. Nous pouvons faire nos choix de forme de club, d’axe stratégique pour nos actions, d’essor de nos membres. Nous avons de plus en plus d’options à conduire et à choisir, et oui, c’est du travail, pour vous comme pour nous. Mais c’est ainsi que nous créons de l’espoir, comme nous le demande Gordon McInally !
Une action ? C’est « Agir avec » et « Agir pour ». Un club ne va bien que s’il est le reflet de son environnement. Il doit connaître ce contexte, établir des liens, accepter la possibilité d’une différence, aimer l’altérité, et ainsi construire un bout de cette paix dont nous avons tant besoin aujourd’hui. Nous sommes des acteurs de paix par nos actions. Un club ne peut pas s’isoler dans un bastion, pratiquer le jugement comme première réaction à une rencontre. Il doit aussi savoir en toute lucidité qui il est. Avoir envie de tendre vers qui il devrait être. L’équipage d’un navire devrait savoir faire confiance aux vigies qui leur signalent les récifs. Et s’il ne souhaite pas changer, ce qui est son droit, au risque de couler, il doit permettre à d’autres rotariens de bâtir leur expérience et les aider à prendre des risques.
Enfin, l’équipage d’un club doit connaître la flotte dont il fait partie. Connaître le Rotary International, son histoire, son organisation, ses droits et ses devoirs de rotarien. Comment faire monter d’autres passagers à bord si l’on ne se connaît pas ? Il faut assumer qui l’on est et donner envie par ce que l’on fait.
Tout ce qui précède se résume en un mot : l’appartenance. Gardez - ou retrouvez, votre sentiment d’appartenance au Rotary International. Se réunir entre amis, échanger des nouvelles, s’épauler les uns et les autres, faire groupe, c’est magnifique, cela consolide l’espoir chez beaucoup. Mais cela ne suffit pas à nous prétendre rotariens. Nous sommes tellement autre chose en plus. Nous agissons, nous servons, nous rassemblons, nous formons, nous aidons... les autres. Par notre appartenance au Rotary International, comme 1 400 000 personnes dans le monde. C’est notre force et notre justification.
Nos règles, nos valeurs, sont notre colonne vertébrale. La chair du Rotary c’est vous tous. Le souffle, qui donne vie, c’est votre appartenance au Rotary International, au-delà du district. Découvrez à quel organisation immense et humaniste vous appartenez.
Pour conclure, je dirais que mon souhait, cette année, est que chaque rotarien de ce district se sente un peu plus rotarien, partie essentielle et active d’un grand mouvement international qui, si chacune de ses composantes le voulait bien, pourrait soulever des montagnes. Et il en reste tant à soulever...